Relance de l’investissement : Le CARE appelle à l’approfondissement du débat

Le réaménagement, qui vient d’être opéré, du cadre légal et réglementaire régissant l’investissement était certes nécessaire, mais non suffisant. C’est du moins l’opinion du Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise (CARE), qui dans sa deuxième note, publiée vendredi dernier dans le cadre du débat qu’il a lancé sur l’investissement, en appelle à l’approfondissement du débat sur la relance de l’investissement.

La nouvelle loi sur l’investissement, qui a longtemps focalisé l’attention, vient d’entrer en vigueur. Le gouvernement y a affiché les priorités qu’il compte observer dans l’orientation de la politique publique d’investissement et y a adapté les mesures de soutien dont bénéficieront les nouveaux projets d’investissement en phase avec ses choix de politique économique. Les textes réglementaires d’application de la loi ont été rapidement promulgués. « Cette mise à niveau accomplie sur le registre du droit, il reste l’essentiel, à savoir travailler les autres volets de l’environnement économique de l’investissement », souligne le think tank algérien, dans sa note. « Chacun sait le poids des pesanteurs bureaucratiques qui altèrent le fonctionnement de notre économie et qui, trop souvent, contrarient la mise en œuvre des politiques publiques » fait remarquer le CARE. Par ailleurs, ajoute-t-il, « nombre de questions d’ordre pratique demeurent toujours posées, touchant notamment aux difficultés d’accès au financement de l’investissement, aux incohérences des nombreuses réglementations, aux échanges extérieurs et à diverses restrictions parsemant le parcours de l’investisseur ». Pour le think tank le véritable Talon d’Achille de la politique publique d’investissement de l’Algérie n’est pas tant celui des ressources mobilisées que celui de leur faible contribution à la croissance de l’économie nationale.

L’inefficacité de la politique d’investissement

Chiffre à l’appui le CARE pointe le problème d’efficacité de l’investissement. L’Algérie fait partie des pays au monde où l’effort d’investissement est le plus élevé. Un effort qui, toutefois, reste globalement peu efficace et a besoin de se traduire de manière beaucoup plus conséquente en termes de croissance économique sur le terrain. Le think tank constate que l’Algérie se situe très loin devant la moyenne des autres pays, en termes de poids du capital investi, en moyenne annuelle sur la période allant de l’année 2010 à l’année 2020. « Mais au regard du niveau des ressources financières qu’elle mobilise, il est tout à fait frappant de relever à quel point le niveau de la croissance qu’elle réussit à obtenir demeure un des plus bas, comparé aux résultats moyens que ce soit en Asie, dans les économies en développement et même sur le continent africain » regrette le CARE. Le problème d’efficacité de l’investissement est, sans conteste, « le véritable talon d’Achille de la politique économique de l’Algérie », estime le think tank. Pour ce dernier, le simple examen de quelques données globales disponibles concernant la politique nationale d’investissement suivie jusque-là laisse transparaître quelques axes de travail prioritaire, parmi lesquels celui de son orientation sectorielle et des modalités d’allocation des ressources financières qui lui sont consacrées. Le CARE signale une autre facette de l’inefficacité de la politique d’investissement suivie jusque-là. Elle est liée à la perte de substance fortement inquiétante de l’industrie algérienne. Les chiffres, de ce point de vue, sont clairs et lourdement significatifs.  « La part de valeur ajoutée de l’industrie de transformation dans le produit intérieur brut est à un niveau d’affaissement extrême, très loin derrière les normes en vigueur à travers le monde, dans le groupe des pays en développement, et même par rapport à la situation prévalant sur le continent africain » fait savoir le think tank. Les chiffres montrent une réalité « fondamentalement » préoccupante de recul du poids de l’industrie au sein de notre économie, y compris du reste en y incluant l’industrie des hydrocarbures.

Le poids de la dépense publique

Le CARE pointe les errements de la politique publique d’investissements des vingt dernières années et, tout particulièrement, des conditions globales d’allocation des ressources en direction de l’investissement. Si, en effet, les activités de fabrication industrielle se sont à ce point atrophiées, c’est avant tout parce qu’elles ont été totalement négligées, jusqu’à constituer l’angle mort de la politique d’investissement en Algérie. Derrière la perte de substance des activités industrielles, se pose la question récurrente de la réforme du système financier et bancaire algérien, reportée à chaque fois depuis trente années, qui est posée. « Il faut bien comprendre que la mainmise excessive du Trésor public sur la ressource disponible a créé et crée toujours un effet d’éviction qui contraint lourdement le financement des investissements dans les activités productives hors hydrocarbures (ceux du secteur privé en particulier), et qui bloque, ce faisant, toute politique réfléchie de diversification de l’économie algérienne » soutient le CARE. « Ce problème majeur demeure plus que jamais d’actualité, c’est celui que les autorités compétentes se doivent d’adresser en toute priorité » estime-t-il. Le think tank évoque, aussi, le poids de la dépense publique, outre qu’il contraint le développement de l’industrie, est à l’origine de l’hypertrophie du secteur de la construction. «En moyenne annuelle et sur la période allant de 2010 à 2020 (incluses), la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière représente un peu moins du tiers de celle du secteur de la construction, une situation totalement atypique en comparaison avec ce qui a cours partout à travers le monde » constate le think tank.  Le poids de ce dernier dans le PIB représente près du double de la moyenne observée ailleurs. « Le poids relatif du secteur de la construction dans le PIB poserait un problème moindre s’il était le reflet de son dynamisme et de sa compétitivité. Ce qui est loin d’être le cas dans la mesure où, comme on l’a vu au cours des vingt dernières années, les grands chantiers d’infrastructure se sont trouvés, le plus souvent, réduits à faire appel aux moyens de réalisation étrangers » signale le CARE.  Cette situation, estime-t-il, devrait avant tout amener à des interrogations sur la nature et la qualité des choix budgétaires qui sont opérés jusque-là, des choix dont on observe qu’ils ont induit un gonflement des dépenses d’infrastructures publiques, sans le préalable d’une réelle maîtrise des coûts de réalisation. Des choix qui, au total, auront été opérés au détriment de l’investissement dans les activités productives, industrielles ou agricoles et, in fine, de la diversification de l’économie nationale. Pour le CARE, le fond du problème auquel l’ensemble des acteurs économiques et sociaux nationaux devraient s’attacher, c’est que l’investissement dans les activités de production hors hydrocarbures a été, par effet d’éviction, réduit petit à petit à la portion congrue. C’est sur ce volet particulier qu’il y a besoin de fonder un changement total de paradigme et de bâtir un nouveau consensus de politique économique. « On ne peut pas vouloir diversifier l’économie nationale sans investir massivement dans la diversification des activités productives » conclut le think tank.

Abdelkrim Salhi

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