L’introduction des moyens de paiement modernes dont la monnaie numérique de banque centrale semble être l’un des apports disruptifs du nouveau projet de loi sur la monnaie et du crédit et des banques. « C’est une très bonne chose en soi pour promouvoir l’utilisation des technologies de la finance dans notre pays et être en diapason avec les économies mondiales », estime, Ali Kahlane, Ph.D, vice-président du Cercle d’action et de réflexion pour l’Entreprise (Care).
Par Abdelkrim Salhi
« Il est incontestable que la numérisation lancée tout azimut, telle que prônée par les autorités, est à encourager car elle est incontournable et indispensable », souligne, le vice-président de Care. Selon ce dernier, « l’introduction de la monnaie numérique de banque centrale (MNBC) en Algérie par l’Etat est une occasion en or pour moderniser le système financier algérien et le fonctionnement des banques où le client serait réellement central. C’est la meilleure des alternatives à la monnaie fiduciaire et la suite logique à la monnaie électronique ». Cependant, relève Ali Kahlane, la transformation de cette adoption en succès sur le terrain, dépendra de la détermination du gouvernement et des autorités financières, de la confiance des opérateurs et celle des citoyens. Il est important, souligne-t-il, de tenir compte des inerties des usages des technologies en place qui pourraient entraver son adoption et surtout lever ou faire disparaître les incertitudes juridiques et réglementaires liées à cette forme disruptive de la monnaie. « Bien préparée, bien comprise par la sphère financière ainsi que par celle des affaires et surtout par le grand public, l’adoption de la monnaie numérique de banque centrale est un défi et une opportunité pour notre pays » fait-il remarquer. «Cela devrait permettre une plus grande inclusion financière ne serait-ce que pour éviter à terme les pénuries de cash, permettre une plus grande traçabilité des transactions et, pourquoi pas réduire graduellement l’économie informelle », affirme le vice-président de Care. Très didactique, l’expert explique la différence entre la Monnaie électronique, la Monnaie virtuelle et la Monnaie numérique. Le vice-président de Care indique La monnaie numérique de banque centrale constitue une évolution originale pour contrecarrer l’expansion incontrôlée des cryptomonnaies. La monnaie numérique, son concept découle naturellement de celui de la monnaie électronique classique. « Elle est une monnaie numérique de banque centrale, elle est équivalente aux espèces, mais sous forme uniquement numérique. C’est ce qui la différencie de la monnaie électronique est qu’elle ne prend jamais de forme physique et ce qui la différencie de la cryptomonnaie est qu’elle a un cours légal » fait savoir l’expert. « Le dinar numérique viendrait ainsi en complément des billets et pièces de monnaie déjà existants et constituerait une solution de paiement supplémentaire avec une grande nouveauté : une opération effectuée en monnaie numérique de banque centrale est inviolable et irrévocable » indique Ali Kahlane. Dans le monde, relève-t-il, quatre monnaies numériques de banque centrale sont déjà totalement opérationnelles depuis plus de 3 ans : le e-Naira du Nigéria, le Dollar de sable du Bahamas en circulation, le Dcash des Bahamas et le Jamdex de la Jamaïque. Selon une carte publiée par CBDC Tracker, plus de 85% des 114 pays ont adopté leur MNBC ou sont sur le point de le faire, 27% d’entre eux sont dans la phase de développement ou de tests pilotes. Alors que 60%, dont l’Algérie, sont en mode recherche et études préparatoires. « L’annonce récente de son adoption ne fait pas encore apparaître l’Algérie dans la carte. Notre pays devrait néanmoins rejoindre les 65 autres pays en mode Recherche, comme ses deux voisins immédiats » précise l’expert.
Quels impacts aura l’adoption de la MNBC pour l’Algérie ?
L’adoption de la MNBC commencera par une phase expérimentale qui portera d’abord sur une monnaie numérique centrale interbancaire, appelée aussi de gros, prévoit Ali Kahlane, référant aux déclarations du vice-gouverneur de la Banque centrale faite en mars 2022, lors journée d’étude sur l’inclusion financière au moyen des technologies du numérique, ayant pour thème «Quelle finance digitale pour l’Algérie ? ». Selon le vice-président de Care, « elle sera alors exclusivement utilisée par la Banque centrale, les banques commerciales ou d’autres institutions financières, pour leurs transactions financières. Son adoption intégrera la deuxième sorte de monnaie numérique de banque centrale, celle de détail, qui serait destinée à l’usage du grand public. A ce titre, le Vice-gouverneur de la Banque d’Algétrie expliquait qu’« un salarié va pouvoir retirer une partie de son salaire en espèce d’un côté et disposer d’une dotation en numérique de l’autre côté ». Elle devrait alors être l’équivalent numérique du cash. « S’il vous est viré dans un compte de monnaie numérique 1000 DA, c’est de l’argent physique, du cash que vous recevez, instantanément. Il a cours légal, exactement comme un billet de 1000 DA. C’est votre argent », détaille Ali Kahlane. « Vous pouvez immédiatement en faire usage. La transaction est cryptographique, inscrite dans la blockchain de la MNBC, elle est irréversible et irrévocable. Personne ne pourra reprendre cette somme, ni la banque centrale ni aucune autorité quelle qu’elle soit, régalienne ou pas », ajoute l’expert. Ce dernier espère qu’au fur et à mesure de son introduction, le e-dinar réduise les retraits d’espèces et augmente le nombre de transactions de paiements en ligne et par carte bancaire, ces derniers n’excèdent actuellement pas les 6%. Quant aux candidatures pour faire partie des BRICS, la Chine, qui assure actuellement la présidence tournante des BRICS, est très favorable à la récente candidature de certains pays dont l’Algérie. « Si l’adoption de la MNBC est un préalable à une candidature au BRICS, c’est une case cochée qui devrait aider notre pays », note Ali Kahlane.
A. S.
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