
Le pétrole a enregistré la semaine dernière sa première perte hebdomadaire depuis le mois de juin, les mauvaises données économiques et l’aggravation de la crise immobilière en Chine l’emportant sur les signes de resserrement du marché pétrolier, notamment les stocks américains qui ont atteint leur niveau le plus bas depuis janvier.
Par Abdelkrim Salhi
C’est du moins ce que relève l’IFP Energies Nouvelles dans son dernier « tableau de bord » des marchés pétroliers, publié, avant-hier, En moyenne hebdomadaire, le Brent a perdu 1,8 dollars le baril ($/b) à 84,7 $/b et le WTI 2,1 $/b à 80,9 $/b. Le consensus des économistes interrogés par Bloomberg (au 18 août) est stable, avec une moyenne de 81 $/b en 2023 et 83 $/b en 2024. La semaine dernière, les volumes d’échanges sur les marchés pétroliers ont été faibles, ce qui a renforcé la sensibilité du marché aux préoccupations macroéconomiques. Malheureusement, les nouvelles économiques ne sont guère positives, particulièrement en ce qui concerne la Chine. Les promoteurs immobiliers du pays connaissent une série de défaillances, à l’instar d’Evergrande, un géant chinois du secteur qui a officiellement déposé son bilan aux États-Unis. Cela fait suite aux récents problèmes financiers de Country Garden, un autre géant chinois de l’immobilier, qui est lourdement endetté et risque un défaut de paiement formel en septembre. Le secteur immobilier représentant près de 25 % du PIB chinois, les risques de contagion à d’autres segments de l’économie chinoise et mondiale sont bel et bien présents. Bien que de nombreux analystes estiment que ces risques restent sous contrôle, les marchés financiers ont tout de même clôturé en baisse la semaine dernière sur l’ensemble des places boursières. « Cette tendance reflète une inquiétude palpable, d’autant plus que cette crise chinoise se conjugue avec des taux d’intérêt et d’inflation élevés aux États-Unis et en Europe », indique l’institut français de pétrole. Malgré la baisse des prix de cette semaine, le prix du brut reste élevé principalement en raison des baisses volontaires de production de l’Arabie saoudite et de la Russie. Cela a conduit de nombreux observateurs, dont l’Agence internationale de l’énergie, à prévoir un resserrement de la balance pétrolière et une hausse des prix avant la fin de l’année. Dans son dernier rapport, l’AIE estime en effet que la demande de pétrole devrait augmenter de 2,2 millions de barils par jour (Mb/j) pour atteindre 102,2 Mb/j en 2023, tirée par la demande en jet, l’utilisation accrue du pétrole pour la production d’électricité et la reprise de l’activité pétrochimique en Chine. En parallèle, la production mondiale de pétrole a enregistré une forte baisse en juillet, chutant de 910 kb/j pour s’établir à 100,9 Mb/j. Pour cette année, l’AIE prévoit une augmentation de la production mondiale de pétrole de 1,5 Mb/j, portant la production à un niveau record de 101,5 Mb/j en 2023. La forte corrélation entre le prix du Brent et notre modèle de prix du pétrole brut basé uniquement sur l’offre, la demande et les variations des stocks de pétrole, suggère qu’en dépit des préoccupations macroéconomiques et géopolitiques, ces facteurs ont actuellement un impact limité sur la détermination des prix du pétrole brut. Les prix des produits pétroliers sur les principaux marchés se situent également à des niveaux élevés, notamment pour l’essence et le diesel. Outre le prix du pétrole brut, ces prix élevés s’expliquent par des niveaux de stocks relativement bas et une demande soutenue, notamment pour les distillats. Les marges de raffinage sont d’ailleurs reparties à la hausse, y compris en Asie où la marge de raffinage (Dubai HCK) a largement dépassé les 10 $/b. De même, la marge européenne (Brent FCC) a augmenté pour la sixième semaine consécutive, atteignant près de 18 $/b, son niveau le plus élevé depuis le début de l’année. La semaine dernière la baisse de 6 millions de barils (Mb) des stocks commerciaux de pétrole brut a largement dépassé le consensus qui tablait sur une baisse de 2,5 Mb. Cette baisse place les réserves commerciales de pétrole brut à leur niveau le plus bas depuis le début de l’année, 1,5 % en dessous de la moyenne sur 5 ans. Cette baisse est principalement due à une augmentation de 1,8 Mb/j des exportations nettes de brut. En parallèle, la production intérieure de pétrole brut a connu une augmentation de 100 kb/j, atteignant ainsi 12,7 Mb/j, malgré une baisse de 5 unités du nombre de plateformes de forage. Profitant de marges élevées, les raffineurs américains ont intensifié leurs opérations de raffinage, établissant ainsi un nouveau record depuis le début de l’année avec un taux d’utilisation qui a encore progressé pour atteindre 95%. Concernant les produits, les stocks d’essence ont baissé de 0,3 Mb (vs -1,1 Mb consensus) tandis que les stocks de diesel ont augmenté de +0,3 Mb (vs -0,5 Mb consensus) en raison d’une demande saisonnière plus faible qu’attendue. Bien que les stocks d’essence et de gazole soient proches de leurs niveaux d’il y a un an, ils restent respectivement inférieurs de 7 % et de 17 % à la moyenne quinquennale.
A.S.
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