Le climat actuel peut être considéré comme globalement favorable à un afflux plus consistant des investissements directs étrangers (IDE), pour peu qu’une vision nouvelle, plus pérenne et plus solide, prenne forme et qu’elle se concrétise effectivement sur le terrain.
Par Abdelkrim Salhi
C’est du moins ce que pense le Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise (CARE), qui vient de publier une troisième note sur les investissements directs étrangers. Le think tank constate que « les blocages juridiques qui ont pendant longtemps plombé l’entrée des capitaux étrangers sur notre territoire ont été levés ». Pour autant, si la rénovation du cadre légal était nécessaire, elle demande à être confortée par des transformations concrètes sur le terrain. Et c’est en ce sens que le CARE souhaite alimenter le débat sur ce thème d’importance pour la croissance future de l’économie nationale. En premier lieu, estime le think tank, « il est fondamental de sortir une fois pour toutes des postures idéologiques vis-à-vis des IDE ». Au cours des vingt dernières années, la position algérienne vis-à-vis des IDE a fait l’objet de multiples changements et va-et-vient. « La nouvelle législation aujourd’hui en vigueur a mis un terme à ces atermoiements, mais elle a besoin d’une traduction opérationnelle efficace sur le terrain » indique le CARE. Pour ce dernier, l’enjeu premier est, en effet, de rattraper les importants retards de l’accueil des IDE dans notre pays. « Ces retards sont importants. En comparaison avec les principales économies africaines ou arabes et si l’on excepte le cas du Nigeria, l’Algérie accueille nettement moins d’investissements étrangers » relève le think tank. Le niveau du stock des IDE sur le territoire national, exprimé en part du PIB, est nettement en-deçà de celui que l’on peut observer à la fin de l’année 2021 dans la région africaine ou arabe, en moyenne des pays en développement et encore plus par rapport à celui enregistré plus globalement, à l’échelle mondiale. Sur longue période, les progrès en termes d’accueil des IDE en Algérie sont indéniables, mais en-deçà de la dynamique qui a cours partout à l’échelle de l’économie mondiale.
Pour une politique active d’attraction de l’IDE
La levée des verrous légaux et règlementaires à l’accueil de l’IDE au sein de l’économie nationale était nécessaire, mais pas suffisante : elle a besoin d’être relayée par une démarche volontariste avec des prolongements concrets sur le terrain, ainsi que par la cohérence d’une politique publique à adresser aux investisseurs internationaux. Des perspectives nouvelles gagneraient ainsi à être mises en évidence sur plusieurs volets, estime le CARE. Le think tank évoque, notamment, l’information économique et évaluation régulière ». Aujourd’hui, fait-il remarquer, « en dehors de données externes à caractère global, telles que celles du rapport annuel de la CNUCED (Rapport annuel sur l’investissement dans le monde), on ne dispose que de très rares et très parcellaires informations sur l’état des IDE sur le territoire national. Le CARE que « toutes les institutions directement concernées, la nouvelle agence en charge de l’investissement, la Banque d’Algérie, le Conseil national de l’investissement, les ministères techniques (Industrie en particulier) communiquent des informations régulières sur l’entrée des investissements étrangers en Algérie ». Dans le même sillage, il serait recommandé que le Premier Ministère, tutelle de la nouvelle agence, publie annuellement un rapport d’évaluation des IDE entrants, avec notamment la répartition par secteurs investis, les montants engagés, les créations d’emplois, etc. De même, il serait souhaitable que le rapport bilan annuel de la Banque d’Algérie consacre un chapitre particulier au thème de l’IDE et à sa contribution au financement de l’investissement et aux équilibres de la balance des paiements. « Une telle évaluation régulière est sans aucun doute le meilleur indicateur de l’attractivité de l’économie nationale. Surtout, la politique publique en la matière aura besoin des leçons tirées du terrain pour s’amender en permanence et devenir toujours plus efficace et plus performante » écrit le CARE. Ce dernier plaide, également, pour la promotion des IDE des PME étrangères, pas seulement celui des grandes entreprises. Le think tank constate le poids déminant du secteur des hydrocarbures et des secteurs à forte propension oligopolistique (hydrocarbures ; télécommunications ; finances et tabacs » dans portefeuille des IDE en place sur le marché algérien. « Cette situation a donc très peu aidé à l’implantation de petites et moyennes entreprises étrangères et, en conséquence, on comprend qu’elle n’a pas favorisé la nécessaire diversification de l’économie nationale. A la différence des grandes entreprises transnationales, les PME étrangères sont plus facilement rebutées par la complexité de l’environnement local de l’investisseur » analyse le CARE. Pour ce dernier, « s’il y a une orientation nouvelle à imprimer à la nouvelle politique publique vis-à-vis des IDE, c’est sans doute dans cette direction particulière ». Le think tank recommande, aussi, de revisiter l’ensemble de ces procédures applicables à l’investissement étranger : modalités d’établissement ; régime bancaire ; transfert des dividendes ; régime de commerce extérieur ; instances de recours ; etc… « La confection d’un manuel officiel et homologué de procédures serait d’un apport certain pour la promotion rapide de projets d’IDE au sein de l’économie nationale » suggère le think tank.
Les axes futurs d’une politique proactive vis-à-vis de l’IDE
Parmi les changements majeurs introduits par la nouvelle loi sur l’investissement, on notera sans doute celui de la transformation du rôle et des missions du Conseil national de l’Investissement, auparavant instance d’agrément préalable des projets d’investissement, en un organe de définition, de suivi et d’évaluation de la stratégie nationale en matière d’investissement. « La prise en main de cette mission d’orientation stratégique est d’une importance vitale. Et la position à l’égard des IDE figure comme l’un des volets essentiels sur lequel des inflexions substantielles à la politique publique paraissent souhaitables » souligne le CARE. De ce point de vue, soutient-il, parmi les évolutions à attendre, il s’agira, notamment, des réponses pragmatiques à apporter aux quatre questions. La première est de s’interrogé sur la manière de passer d’une politique passive dans laquelle la gestion de l’IDE était embourbée dans les méandres de la bureaucratie, à une politique nettement plus active, qui fasse valoir de manière positive et offensive les atouts de l’économie nationale, de ses territoires et de ses ressources humaines ? Il s’agit, par ailleurs de connecter les objectifs des programmes en cours visant au développement rapide des exportations hors hydrocarbures, avec ceux d’une politique publique plus efficace en termes d’accueil des IDE ? Ce sont ces derniers qui ont été, au cours des quarante dernières années, le vecteur essentiel du développement des exportations à l’échelle mondiale. « Au-delà, et de même que le régime des IDE entrants aura été simplifié, il serait raisonnable de desserrer le verrou réglementaire en place qui bloque l’investissement des entreprises algériennes à l’étranger : une entreprise ne peut exporter durablement sur un marché sans songer à y investir » suggère le CARE. La troisième question concerne l’intégration de manière effective et réaliste l’entrée plus substantielle des IDE au sein de la politique commerciale extérieure prônée par l’Algérie, et singulièrement dans les accords économiques régionaux ou multilatéraux auxquels elle entend être partie prenante. A l’évidence, cette gestion n’a pas été satisfaisante au cours des vingt dernières années comme l’illustre en particulier le bilan déséquilibré des résultats de l’accord d’association avec l’Union européenne, premier partenaire économique et commercial de l’Algérie. La renégociation de cet accord d’association a été annoncée voilà plus d’une année par le Président de la république : il n’y a pas de doute que le volet des IDE européens soit un des axes centraux par lequel passera nécessairement le rééquilibrage futur des intérêts économiques tant recherché par la partie algérienne. La quatrième question porte sur l’accession à terme à l’Organisation mondiale du commerce. Cette organisation multilatérale administre une multitude d’accords internationaux qui ne traitent pas seulement des échanges de marchandises, mais également des services, de la propriété intellectuelle et des conditions d’établissement des investissements étrangers. C’est autour de ces accords que s’ordonne aujourd’hui le consensus mondial sur le climat propice au développement des IDE. « Il n’est pas raisonnable que l’Algérie, économie ouverte depuis toujours, restes-en dehors » estime le think tank.
A.S.
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