Marchés pétroliers : L’analyse de l’IFP Energies Nouvelles

Les prix du pétrole continuent d’évoluer tantôt à la hausse, tantôt à la baisse dans une fourchette actuellement comprise entre 100 et 120 dollars le baril, dans un contexte de forte incertitude quant à l’évolution des pourparlers de paix entre Moscou et Kiev, d’aggravation des sanctions économiques contre la Russie et de mesures pour faire baisser les prix relève l’IFP Energies Nouvelles (Ifpen) dans son « tableau de bord » sur les marchés pétroliers.

Par Abdelkrim Salhi

 En moyenne hebdomadaire, le Brent sur le marché à terme de Londres était en baisse la semaine dernière de 7,4 % à 109,7 dollars le baril tout comme le WTI à New York qui perdait 8,4 % à 103,5 dollars le baril. Les économistes interrogés par Bloomberg au 1er avril ont fortement révisé à la hausse leurs prévisions pour le prix du Brent en 2022 (+10 dollars le baril) avec une valeur médiane à 92,5 dollars le baril pour un prix à terme de 98,9 dollars le baril.   Près d’un mois après le début du conflit en Ukraine et la mise en œuvre des sanctions contre la Russie, « on commence à mesurer leur impact sur le secteur pétrolier russe » indique l’institut de recherche français. « Selon les données du ministère russe de l’énergie, la production moyenne de pétrole brut au cours de la seconde moitié du mois de mars est passée sous la barre des 11 millions de barils par jour, en baisse de 1,2 % par rapport à la première moitié du mois » fait savoir l’Ifpen. Bien que peu de pays aient finalement imposé des interdictions explicites sur les importations pétrolières en provenance de Russie, « la décision de nombreuses sociétés de trading et de compagnies maritimes de ne plus acheter et transporter de produits russes pourrait, selon l’AIE, réduire les exportations russes de pétrole de 2,5 millions de barils par jour (dont 1,5 million de barils par jour  de pétrole brut et 1,0 million de barils par jour de produits pétroliers) dès avril » indique l’institut de recherche français. « Face à cette perspective d’un choc d’offre majeur (le 5e plus grand choc pétrolier sur un mois depuis la Seconde Guerre mondiale), les Etats-Unis et les pays membres de l’AIE ont convenu vendredi dernier d’un nouveau déblocage des stocks stratégiques » souligne-t-il. « Les détails de ce nouveau déblocage seront rendus publics au début de cette semaine, mais les USA ont déjà annoncé un déstockage historique de pétrole brut de leur réserve SPR de 180 millions de barils (1 millions de barils par jour pendant six mois) soit 30% de la SPR. Cet accord fait suite à la décision de libérer un total de 62,7 millions de barils (dont 30 mb des Etats-Unis) annoncée le mois dernier » affirme l’Ifen. Au total, les pays de l’AIE détenu actuellement environ 1,5 milliard de barils soit l’équivalent théorique de 3 millions de barils par jour pendant 500 jours. Cette action coordonnée historique des pays membres de l’AIE et des USA vise avant tout à faire baisser les prix du pétrole brut dans un contexte d’inflation mondiale record qui touche tous les marchés : énergétique, alimentaire, industriel. À court terme, cette action devrait contribuer à calmer les marchés. Les mesures drastiques de confinement mises en place dans la région de Shanghai et dans la province de Jilin, suite à la recrudescence des cas de COVID, devraient également contribuer à apaiser temporairement les tensions sur le marché pétrolier (certains analystes estiment que la demande de pétrole en Chine pourrait baisser de 800 000 barils par jour en avril). Pour l’Ifpen, «la flambée des prix du pétrole et des matières premières, si elle se poursuit, aura un impact marqué sur la croissance économique et la demande de pétrole (l’AIE a revu à la baisse sa prévision de demande pour le deuxième trimestre de cette année de 1,3 millions de baril par jour) ». À moyen terme, a averti l’institut de recherche français, « si le conflit devait durer plus de quelques mois, la situation serait plus délicate, car le recours aux stocks stratégiques est limité et ne peut résoudre le déficit structurel d’approvisionnement, lié au sous-investissement dans l’amont pétrolier qui dure depuis plusieurs années ». Pour ces raisons, l’AIE exhorte ses membres à mettre en oeuvre 10 mesures pour réduire la demande de pétrole : réduire la vitesse sur les autoroutes, adopter la circulation alternée et interdire les voitures le dimanche dans les grandes villes, promouvoir l’éco-conduite, développer les transports publics, la mobilité douce et le covoiturage, instaurer le télétravail trois jours par semaine, éviter les voyages en avion, privilégier le train et accroître l’adoption de véhicules électriques. Ce plan permettrait d’économiser près de 2,7 millions de baril par jour en 4 mois. En plus de l’action des pays consommateurs, les acteurs du marché pétrolier attendaient un geste des pays producteurs de pétrole et en particulier de l’OPEP+ pour augmenter l’offre mondiale. Lors de sa dernière réunion la semaine dernière, l’OPEP+ a bien convenu d’une augmentation de la production en mai, mais une augmentation très modeste de +432 000 barils par jour, conformément aux accords passés, considérant que les fondamentaux indiquaient que le marché était bien équilibré. Selon Bloomberg, la production de l’OPEP en mars a augmenté de 90 000 barils par jour pour atteindre 28,6 millions de baril par jour. La production de l’OPEP10 aurait augmenté de 120 kb/j, bien en deçà de l’augmentation attendue de 253 kb/j, en raison de la baisse de la production en Libye et au Nigeria. L’OPEP a également indiqué lors de la réunion qu’elle n’utiliserait plus l’AIE comme source secondaire pour évaluer la production de pétrole brut de ses membres, reprochant à l’AIE son implication dans la lutte contre le réchauffement climatique, ses désaccords sur les niveaux de production et son manque de neutralité politique.

A.S.

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