Le Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise (Care) vient de publier une note sur «l’implication du secteur privé national dans la politique nationale d’investissement ».
Dans la note, le think tank souligne que « la place du secteur privé au sein de l’économie est sans doute, depuis 1962 à ce jour, une des questions les plus sensibles et les plus controversées de la politique économique algérienne ». Elle est à la base des changements fréquents de la législation régissant l’investissement privé national. Le Care relève que Le cadre légal régissant l’investissement en Algérie connait une instabilité chronique depuis 1962. « Ce ne sont pas moins de 10 transformations de fond (autrement dit des modifications substantielles de la loi en vigueur, sinon son changement complet) qui ont été introduites au cours de cette période » fait remarquer le think tank. « Le plus surprenant, c’est que la place de l’investissement privé été à chaque fois au cœur des préoccupations ayant, directement ou indirectement, dicté ces changements » soutient-il. Jusqu’en 1988, l’investissement privé national était cantonné dans un rôle marginal. « Depuis, même s’ils admettent tous l’importance de son rôle économique, les gouvernements successifs n’ont pas réussi jusque-là à s’accorder dans la durée sur la façon d’associer efficacement le capital privé à la politique publique d’investissement » souligne-t-on. « S’il n’y a pas de doute sur l’intérêt que les autorités économiques n’ont cessé de porter à la question de l’investissement, depuis l’indépendance à ce jour, elles ont jusqu’ici régulièrement butté sur les voies et moyens d’y intégrer efficacement l’apport des entrepreneurs privés nationaux » soutient le Care. Pour ce dernier, « c’est bel et bien cette contradiction flagrante entre une volonté affichée de promouvoir l’investissement privé et la réalité des maquis réglementaires qui sont régulièrement dressés face à lui sur le terrain qui est à la base de l’instabilité de la loi régissant l’investissement ». Selon le Care, le nouveau cadre législatif qui vient d’être adopté en 2022 a très justement identifié la stabilité législative comme un de ses objectifs essentiels. « S’il encourage l’investissement public et privé sous toutes ses formes, il reste qu’en bout de course, le succès dépendra beaucoup de l’évolution concrète de l’environnement économique de l’investisseur privé national » estime le think tank. Si le texte de loi en vigueur régissant l’investissement ne fait pas de distinction entre les promoteurs du secteur public et ceux du secteur privé, « il faut reconnaitre néanmoins que ces derniers sont, dans la pratique, confrontés à des obstacles spécifiques qu’il est important de voir effectivement levés » plaide le Care. Le think tank évoque trois catégories d’obstacles. La première concerne celle des distorsions de concurrence entre entreprises privées et publiques. La deuxième porte sur le traitement préférentiel du secteur public et discrimination vis-à-vis du secteur privé local. « Les facettes de ce traitement inégal se retrouvent aussi bien dans la loi que dans les pratiques de la gestion de l’économie nationale » précise-t-on. Les plus visibles concernent, notamment, les discriminations inscrites dans la loi ou la réglementation. Elles se présentent sous des aspects très divers. La note cite, entre autres, la gratuité des documents établis auprès de l’administration domaniale, alors que les actes des entreprises privées sont à établir auprès des notaires moyennant paiement d’honoraires, la prise en charge par l’Etat des salaires des travailleurs des entreprises publiques en difficulté, privilège non accordé à ceux des entreprises privées. Le Care cite, aussi les retards fréquents de paiement des créances des entreprises privées auprès administrations et des collectivités publiques locales et les assainissements financiers (effacements de dettes) répétitifs des entreprises publiques défaillantes, par le Trésor public. « La procédure de mise en faillite d’entreprises publiques, pourtant bel et bien prévue par le Code de commerce, n’est jamais mise en œuvre » constate le Think tank. Pour ce dernier, La levée de toutes ces discriminations légales est de nature à stimuler l’investissement des entreprises privées locales. La note évoque, par ailleurs, les secteurs fermés à l’investissement privé et Le problème de l’accès au financement pour les investissements privés. Aux difficultés classiques de l’accès au financement, indique le think tank, s’ajoutent, en Algérie, d’autres contraintes spécifiques, telles que : le poids des grandes entreprises publiques prioritaires dans l’accès au crédit, la gouvernance des banques publiques qui les rend plus sensibles aux préférences de leur actionnaire unique, qu’à celles en provenance du marché interne et l’absence de sanction du marché applicable aux entreprises publiques déficitaires. Selon le think tank, « cette faible inclusion financière du secteur privé est, par ailleurs, accentuée par le système de régulation macroéconomique. « Le dernier rapport de suivi de l’économie algérienne de la Banque mondiale relève que « la liquidité croissante a été canalisée vers le Trésor, sans reprise du crédit au secteur privé ». Il évoque un potentiel « effet d’éviction », l’Etat préemptant à fin septembre 2022 quelque « 35,5% du crédit bancaire total » pour financer les déficits croissants du budget public » lit-on dans la note de Care. Celui-ci pointe, également, les effets néfastes de la bureaucratie sur la conduite de la politique publique d’investissement. Elle affecte de manière indifférenciée toutes les activités et, le plus souvent, elle pénalise aussi bien le secteur public que le secteur privé. « Toutefois, l’impact réel sur le terrain est par essence ressenti plus durement par les entreprises privées que par leurs homologues publiques » estime le Care. Cela tient, explique-t-il, « au fait que la traduction financière des blocages administratifs et des retards et surcoûts qu’ils occasionnent pèsent bien plus lourdement sur les entreprises privées qui ne disposent pas, elles, du secours de l’Etat et de l’assistance des banques publiques en cas de détérioration de leur situation financière ». Dans sa note, le Care évoque quelques lacunes « qu’il serait recommandé de voir comblées ». La plus importante est sans conteste celle liée aux défis du changement climatique et du recul en perspective de la place des énergies fossiles, ce qui pose dès à présent la question de soutenabilité de la croissance future de l’économie nationale. L’autre limite à surmonter est celle de la cohérence juridique du régime applicable aux entreprises publiques et privées de droit algérien. Dans ce même sillage, la réduction du poids de l’informel est sans doute un autre passage obligé pour un rôle plus actif de l’entreprise privée algérienne. Enfin, et pour terminer, CARE suggère d’initier une politique publique de promotion d’entreprises champions nationaux dans l’ensemble des secteurs d’activité économique. « Notre pays dispose aujourd’hui de politiques ciblées en direction des PME, de même qu’en direction des TPE (auto-entrepreneurs) qui constituent chez nous comme partout l’écrasante majorité de la population d’entreprises. Force est de constater qu’il manque singulièrement une politique aussi cohérente et structurée associant les grandes entreprises leaders de leur secteur d’activité, notamment celles du secteur privé » conclut le think tank.
Abdelkrim Salhi
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