
Le prix spot du Brent s’est établi en moyenne à 90,5 dollars le baril la semaine dernière, en hausse de 1,8 % (1,2 % pour le WTI à 87 dollars le baril) relève l’IFP Energies Nouvelles. La moyenne sur le mois de janvier se situe à 86 dollars le baril soit une prime de 3 à 5 dollars le baril par rapport aux niveaux atteints en octobre et novembre.
Par Abdelkrim Salhi
« Ces niveaux de prix sont très au-dessus de la moyenne de décembre tombée à 74 dollars le baril sous l’effet, à l’époque, des inquiétudes liées à l’apparition d’Omicron » fait remarquer l’institut de recherche français. La hausse actuelle, qui s’explique en grande partie par les tensions géopolitiques, ne tient pas compte du recul des marchés financiers depuis le début de l’année et des incertitudes économiques soulignées dans le dernier rapport du FMI. En fonction du contexte sanitaire, géopolitique, économique et financier, mais aussi de la politique OPEP+, des écarts importants sont à prévoir dans les prochains mois. Au niveau actuel du prix du pétrole, et dans un contexte par ailleurs de faiblesse de l’Euro face au dollar, les prix des produits pétroliers à la pompe atteignent des records. Il convient de noter que le seuil des 90 dollars le baril n’a été dépassé durablement que deux fois depuis 2006, au cours de l’année 2008 d’une part, avant de s’effondrer en fin d’année avec la crise des « subprimes », et entre 2011 et 2014 d’autre part, avant de reculer avec la montée de l’offre américaine et l’absence de réaction de l’OPEP avant fin 2016. Les tensions liées à la question ukrainienne pèsent sur les marchés de l’énergie. Les déclarations particulièrement menaçantes du président américain depuis le 3 janvier (« les Etats-Unis répondront énergiquement ») et réitérées le 19 janvier (« lourdes pertes humaines ») sont en grande partie responsables de la tension accrue sur le marché pétrolier ces dernières semaines. La Russie fait partie des trois principaux producteurs de pétrole dans le monde, derrière les Etats-Unis (16,7 millions de barils par jour (Mb/j), LGN 5,3 Mb/j) et l’Arabie saoudite (11,0 Mb/j, LGN 1,8 Mb/j), avec un total de 10,8 Mb/j (LGN inclus ; 0,3 Mb/j) produits en 2021. L’Union européenne est fortement dépendante de la Russie pour le gaz mais aussi pour le pétrole avec des importations de l’ordre de 3 Mb/j, soit 30 % environ du total importé par l’UE à 27. Une désescalade des tensions serait de nature à modérer la pression sur le prix du pétrole, mais aussi du gaz naturel.
Des craintes sur la croissance économique sans conséquence pour le moment pour le prix du pétrole
Les inquiétudes sur la croissance économique ont peu d’impact pour le moment sur le marché pétrolier. Le FMI vient de revoir à la baisse à hauteur de 0,5 point la croissance économique mondiale désormais estimée à 4,4 % en 2022 (5,9 % en 2021). Ce n’est pas la diffusion d’Omicron qui est en cause mais les « perturbations des chaînes d’approvisionnement », une « inflation en hausse » et une « dette record » qui limitent les marges de manoeuvre des Etats. La Fed a annoncé le 26 janvier qu’elle relèverait, comme prévu, ses taux d’intérêt probablement en mars et a réaffirmé son intention de mettre fin à ses achats d’obligations sur les marchés. Ce contexte contribue à la baisse assez nette désormais des marchés financiers depuis le début de l’année, influencée aussi probablement par le recul important d’un indice du commerce mondial. Le prix du pétrole résiste en raison du contexte géopolitique mais aussi des perspectives de croissance de la demande, réajustées à la hausse de 0,3 Mb/j pour cette année par l’AIE dans son dernier rapport mensuel (+ 3,3 Mb/j à 99,7 Mb/j en 2022).
Une inquiétude excessive face aux risques de tension dans les prochains mois ?
En dehors du risque géopolitique, de nombreux arguments sont également avancés pour tenter d’expliquer la hausse actuelle des cours du pétrole. Le faible niveau des stocks est par exemple considéré comme une source de tensions pour le marché. Cependant, si l’on examine le nombre de jours de consommation couverts par les stocks pour les pays OCDE, il apparaît que l’on retrouve, au 3e trimestre dernier, les valeurs traditionnelles de 93 jours environ (dont 60 jours pour l’industrie) observées par exemple en 2018 et 2019. Pour une consommation des pays OCDE qui devrait se maintenir au niveau de 46 Mb/j cette année, il n’y a donc pas de nécessité de renforcer ces stocks, qui se situent à un niveau suffisant. Il convient également de rappeler que la baisse des stocks stratégiques américains s’inscrit dans une démarche planifiée, largement indépendante de la situation actuelle. Le second point concerne les disponibilités OPEP, c’est à dire l’écart entre les capacités et la production. Elles sont estimées actuellement à 4,5 Mb/j voire à 6 Mb/j si l’on inclut l’Iran). L’équilibre offre / demande montre que le marché devrait, sauf surprise, se retrouver en excédent important cette année (+ 2,7 Mb/j). Cela signifie qu’il n’y aura pas besoin de renforcer considérablement l’offre OPEP, sauf défaillance par ailleurs. Les marges OPEP pourraient donc se maintenir au niveau actuel.
A.S.
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